Le Louxor peu après sa réouverture (2013)
Les vieilles photos sont rares de ce cinéma de quartier qui après des années de sommeil vient de ressusciter! De telles bonnes nouvelles sont rares dans un Paris qui s'est acharné de Pompidou en Chirac à détruire un patrimoins jugé secondaire !
Il y avait à son emplacement un immeuble post-hausmannien à pan coupé qui faisait harmonieusement le lien entre les alignements des façades bourgeoises du Magenta et du boulevard de la Chapelle. Il abritait le grand magasin "Au Sacré-Coeur nouveautés" ancêtre en moins "cheap" de Tati...
On voit ici la construction de la ligne aérienne du métro Station Barbès-Rochechouart et à l'arrière-plan l'immeuble qui va être détruit en 1921 pour le Louxor.
Le cinéma est construit pour Henry Silberberg sur les plans de l'architecte André Zipcy. L'homme n'avait pas la grosse tête et ne gravait pas son nom, contrairement à tant de ses collègues, sur les façades des immeubles qu'il concevait. On sait par exemple qu'il participa à l'élaboration des plans de l'école Breguet de la rue Falguière mais que seul l'autre architecte du binôme y laissa son nom.
Sur cette photo André zipcy pose à côté de sa belle-mère à l'air revêche, de sa femme et de ses fils élèves à Stanislas. Zipcy ne parlait jamais de sa famille arménienne originaire de Constantinople qui lors des abominations ottomanes et des massacres génocidaire dut quitter la Turquie où depuis des générations elle avait bâti sa vie.
Programme (1924)
Des architectes contemporains considèrent le Louxor comme un "petit chef d'oeuvre" art-déco. Dans ce quartier du bas Montmartre où tant de salles mythiques comme le cirque médrano ont été massacrées au profit de bâtisses immondes (voir le Bouglione), on reste à la fois surpris et réjoui que cette salle ait survécu.
Son histoire cependant a été mouvementée et plus d'une fois sa destruction a été programmée. Inaugurée le 6 octobre 1921, la salle de près de 2000 places décline une ornementation dans le goût égyptien à la mode art-déco.
On pense que le grand succès du film Cléopatra (1917) de J. Gordon Edwards qui fit scandale aux Etats-Unis et dont il ne subsiste que quelques fragments contribua à l'égyptomanie.
Nous découvrirons dans un prochain article les belles mosaïques attribuées à Amédée Tiberti dont le nom a été outrageusement déformé en Tiberi célèbre collectionneur d'électeurs fantômes.
La salle en 1922
En 1929, la société Pathé prend la gérance du cinéma avant de l'acquérir et de le nommer (ô originalité renversante) Le Louxor-Pathé!
Le décor égyptien cesse d'être à la mode. Il est enduit et recouvert d'un décor à la grecque. Par chance la plupart des mosaïques et des bas-reliefs seront retrouvés intacts.
Le Louxor 1953
En 1954 une ultime rénovation est menée. Le cinéma vit ses dernières grandes années.
La salle rénovée en 1954
Le Louxor-Pathé en 1983
Dès le début 1970, la télé entraîne la décadence des grands cinémas. Le Louxor-Pathé survit jusqu'en 1983 en se spécialisant dans les films egyptiens (!) indiens et exotiques de série Z. La population du quartier de la Goutte d'or et de la Chapelle le fréquente encore.
Le Louxor-pathé. "Nefertiti reine du Nil"
Quelques témoignages de l'époque décrivent la salle comme étant en elle-même un spectacle! Les spectateurs allaient et venaient sans souci de ce qui était projeté sur l'écran. Leur intérêt allait plutôt vers les demoiselles ou les dames qui faisaient commerce de leurs charmes. Les toilettes étaient occupées constamment. On s'y rencontrait entre personnes du même sexe ou des deux sexes ou du troisième et l'on y était acteur de films réalistes et pornos qui n'avaient pas besoin de metteur en scène. Notons enfin que des marchands à la sauvette comme on en trouve aujourd'hui au carrefour du Barbès proposaient leur camelote dans les escaliers et dans la salle.
Mais les meilleures choses (!) ne durent pas et bien que classé en 1981 grâce à Jack Lang (on ne chantera jamais assez ses louanges) à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, le Louxor-Pathé ferme ses portes en 1983.
La société Tati qui a mangé plusieurs immeubles sur le boulevard Rochechouart en prend alors la gérance. On rêve un instant d'un autre Tati, Jacques de son prénom, dont les films auraient été projetés dans la salle. Hélas Tati était mort en 1982 et un long purgatoire avait commencé pour lui.
Tati des fripes qui utilisait le lieu comme entrepôt, ne pouvant détruire les murs et les décors qui le gênaient finit par céder la gérance en 1985 à une discothèque "La Dérobade" qui se métamorphosa en boîte gay "Le Megatown".
Couloir et fresques du Megatown
La boîte gay périclita et le bâtiment entra dans un sommeil agrémenté de vandalisme et de tags qui dura de 1987 à 2003.
Le Louxor pendant les travaux
Le reste vous le trouverez sur tous les sites qui chantent l'action de la mairie de Paris! En 2008 l'architecte Pumain élabora un projet de réhabilitation. Les travaux durèrent trois ans et donnèrent naissance à trois salles et à un café-terrasse.
En avril 2013 le Louxor rouvrait ses portes. Les Montmartrois et les amoureux du cinéma se prosternèrent devant les disques solaires portés par les mâts de la façade et ils se réjouirent de la résurrection du cinéma mythique qui sans embaumement ni momification avait triomphé de la mort!
A suivre : décoration du Louxor. Intérieur-extérieur:
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Liens : salles de spectacle de Montmartre. Cabarets.
Cabaret Bruant Chat Noir Mirliton 84 boulevard de Rochechouart
La Lune Rousse. Cabaret. Montmartre.
Le Trianon. boulevard de Rochechouart.
L'Elysee Montmartre. boulevard de Rochechouart. Music-Hall.
Le cabaret de la Belle Gabrielle, Utrillo.
Montmartre. Le cabaret du Chat Noir. (1). Boulevard Rochechouart.
Listes des liens des monuments et lieux typiques de Montmartre historique et moderne.
etc...
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